Conférence de presse : l’éolien : pas que du vent !
L’énergie est l’un des enjeux essentiels de ce siècle.
Nous sommes confrontés à trois impératifs au moins :
La réduction des rejets de gaz à effets de serre pour la sauvegarde du climat,
Le développement du potentiel d’emplois nouveaux et de création de valeur dans les secteurs de l’énergie,
Le renchérissement des coûts de l’énergie qui touche en priorité les plus faibles (c’est bon à rappeler en cette année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion).
La priorité va aujourd’hui à l’éolien.
De nos jours, les projets ne sont plus le fait de pionniers. L’exploitation de parcs éoliens est une activité clairement rentable sur le plan financier. Elle suscite dès lors de nombreuses vocations tant d’entreprises « classiques » qu’associatives.
Elle suscite aussi bien des convoitises… Les promoteurs lancent des contacts tous azimuts pour s’assurer la disponibilité de terrains bien situés. Les projets d’implantation se multiplient, singulièrement en Luxembourg.
Cette situation pose au moins deux problèmes : le risque d’une multiplication anarchique des sites de production ; une nouvelle forme de « colonisation » de notre territoire au détriment de ses habitants.
Ecolo veut un développement accéléré des énergies renouvelables. En particulier, de l’éolien dans une province comme la nôtre, avantagée par sa faible densité de population et ses vastes étendues de territoires.
Ce développement ne peut cependant se réaliser à n’importe quel prix.
Nous estimons en effet que le développement de sites de production éolienne ne peut se réaliser que dans le cadre d’une politique publique cohérente d’aménagement du territoire et en prenant toutes les précautions nécessaires pour valoriser au mieux notre potentiel naturel au profit d’un développement local maîtrisé.
1. Aménagement du territoire
Ecolo ne veut pas d’un développement anarchique de la production éolienne. Nous ne voulons pas d’un « coup par coup » dans lequel nos communes restent passives, à la merci des pressions des investisseurs et de leurs priorités d’implantation.
Dans cette perspective, l’échelle communale apparaît cependant très rapidement atteindre ses limites. Les meilleures implantations sont limitées en nombre. Nous risquons donc de voir les éoliennes se concentrer sur certaines parties du territoire. Par ailleurs, le potentiel éolien n’est pas également réparti aux quatre coins de la Province.
Ce sont cette réflexion et ces préoccupations qui ont conduit Ecolo Luxembourg, par la voix de Christina Dewart, à proposer en Conseil provincial (dès mai 2008) de mettre sur pied une démarche pro-active permettant de penser d’emblée la question à un niveau supra-communal, en vue de privilégier une approche qualitative, globale et anticipative de l’éolien luxembourgeois.
Comme on le sait, cette proposition a conduit à la constitution du Groupement d’acteurs provinciaux de planification des énergies renouvelables (Gapper) et à la réalisation d’une étude du potentiel éolien. Etude qui doit être rendue publique prochainement.
2. Développement local
Deuxième préoccupation : Ecolo a toujours prôné un développement de la province qui ne brade pas nos ressources mais en font un levier de développement local.
Il en va du vent comme des autres ressources naturelles. Il s’agit de ne pas les brader. Dans cette perspective, nous estimons que la commune a un rôle central et (pro)actif à jouer.
Elle ne peut se contenter de céder un droit de pied à l’un ou l’autre opérateur. Au contraire, Ecolo veut une participation active de la commune, dans le cadre de véritables partenariats public-privé qui font de la commune un acteur et pas seulement un spectateur du développement éolien.
Nous allons plus loin : les énergies nouvelles doivent être aussi une source nouvelle de revenu pour nos communes.
La présence des communes dans le secteur de l’électricité n’a rien d’incongru. Il faut se souvenir de leur participation historique dans la distribution (qui a pris fin avec la libéralisation). La participation aux projets éoliens n’en pose pas moins un certain nombre de problèmes juridiques qui devraient être clarifiés par une prochaine circulaire du ministre Furlan.
Ecolo est par ailleurs attentif et favorable aux démarches qui associent également les citoyens au travers de prises de participation directes (coopératives).
3. Protection du cadre de vie
La maîtrise du développement territorial implique d’évidence que la création de parcs ne peut en aucun cas conduire à une destruction du cadre de vie des habitants ni porter atteinte à une autre ressource essentielle de notre province : la qualité de ses paysages.
Le « cadre de référence pour l’implantation d’éoliennes en Région wallonne », proposé par Michel Foret et José Daras, alors ministre de l’Environnement et de l’Energie, nous apparaît comme une excellente référence pour guider les décideurs dans l’octroi des permis. Ce cadre est actuellement en cours d’actualisation.
Complémentairement, nous estimons que les projets éoliens doivent faire l’objet de toute l’information nécessaire des habitants, dans une perspective de concertation et ne peuvent se réaliser sans l’adhésion d’une large majorité de la population. De ce point de vue, le pilotage communal est celui qui offre le plus de garanties.
Quel avenir pour le Gapper ?
Comme nous l’avons dit, nos préoccupations se retrouvent dans la démarche entreprise par le GAPPER. Ecolo adhère et soutient pleinement cette initiative provinciale.
Le GAPPER est cet outil que veut Ecolo, permettant la concertation, la collaboration et l’arbitrage entre les communes confrontées à des demandes pressantes d’opérateurs et jouissant d’une situation très inégale face au vent, ceci tout particulièrement dans une perspective d’aménagement du territoire (au sens large). Cette coopération nous apparaît aussi comme étant de nature à accroitre le poids des pouvoirs publics dans la négociation avec les opérateurs et à éviter ainsi de brader notre vent.
Pour Ecolo, il est donc essentiel que cette démarche
soit suffisamment ouverte pour permettre l’adhésion – coalition de nos 44 communes,
réserve dès lors aux communes concernées le choix relatif au partage du capital entre public, privé et (éventuellement) groupes de citoyens.
En tout état de cause, elle doit s’accompagner d’un mécanisme de partage des ressources financières entre communes plus ou moins favorisées.
L’avenir du Gapper se trouve également dans des démarches similaires en vue de soutenir le développement concerté d’autres énergies alternatives, notamment la biométhanisation (agricole).
La Province de Luxembourg aurait-elle eu une ardeur d’avance avec son étude des vents et des implantations ?
La carte luxembourgeoise devrait être rendue publique très prochainement. Nous serons alors en attente du cadre à fixer par la Wallonie (annoncé pour juillet).
Ces éléments ne devraient très probablement pas remettre fondamentalement en cause le travail réalisé en Luxembourg par un consultant indépendant et en concertation avec les acteurs concernés.
Des moyens nouveaux
1. Mobiliser les ressources financières
Ecolo n’a cessé de le répéter : le Luxembourg a manqué le coche au moment du rachat de TeleLux. La vente du réseau de télédistribution mettait à disposition des communes un pactole inespéré qui pouvait être affecté « sans douleur » à des projets énergétiques d’avenir, tant dans la production que dans le volet de la rénovation énergétique.
Nous avons beaucoup de chance : aujourd’hui, s’ouvre une nouvelle opportunité. Une participation communale aux projets éoliens lui assure un revenu. Ce revenu nouveau peut être affecté aux politiques publiques, en faveur de l’ensemble de la population. Il peut aussi –et c’est notre préférence– être affecté spécifiquement à un fonds d’investissement dans l’efficacité énergétique des bâtiments publics de la commune et de l’habitat existant. Il s’agirait là d’une réponse possible au casse-tête que représente l’avance de fonds, préalable indispensable à l’amélioration de l’efficacité énergétique, elle-même source d’économies. Avance de fonds trop souvent hors d’atteinte des ménages les plus modestes (c’est-à-dire ceux qui en ont le plus besoin).
Un autre acteur nous paraît pouvoir jouer un rôle titre dans la transition énergétique : l’intercommunale Sofilux.
Son métier est la gestion du financement revenant aux communes au travers des droits de voirie liés à la distribution de l’énergie.
L’intercommunale nous apparait comme un outil (technique) idéal pour le pre-financement des projets d’énergies alternatives.
Cette même intercommunale pourrait également jouer le rôle de « chambre de compensation » dans le cadre de projets montés en pluri-communalité.
Il nous paraît clair, par contre, que nous n’avons nul besoin de deux acteurs éoliens provinciaux. Ecolo préconise dès lors un rapprochement entre Sofilux et le GAPPER, dans lequel chacune des parties remplit ses missions (outil de concertation politique et outil financier), apporte ses atouts et son savoir-faire.
Il reste cependant une condition : une indépendance complète dans l’action de l’intercommunale vis-à-vis d’Electrabel et des autres opérateurs privés.
2. Lancer un vaste chantier d’amélioration de l’efficacité énergétique
Une politique de l’énergie digne de ce nom s’articule autour de deux dimensions : la production mais aussi les économies à réaliser au travers de l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Ce vaste chantier de rénovation énergétique que nous évoquons régulièrement a pour triple avantage de diminuer les rejets de CO2 mais –et surtout–, de créer des emplois et de permettre des économies pour les pouvoirs publics et les ménages et ce, sans aucune perte de confort.
Pour donner l’élan que nous voulons à ce chantier, les revenus nouveaux issus de la production énergétique apportent une solution au moins partielle à la question du financement.
Nous pensons par ailleurs qu’il manque une démarche politique et citoyenne et un acteur (technique) de dimension provinciale capable d’accompagner la province et les communes dans la transition.
Nous avons pourtant deux sources d’expertise : les services techniques provinciaux et l’intercommunale Idélux.
Les services provinciaux disposent d’une base d’expertise technique. Quant à Idélux, l’intercommunale a acquis une solide expérience dans le domaine du montage-financement et suivi de projets, notamment communaux. Une expertise que les autres provinces nous envient.
Il serait dès lors tout à fait dommageable de ne pas en profiter et coaliser ces expertises au bénéfice de tous, comme nous préconisons la coalition des efforts pour tirer le meilleur du vent qui appartient à tout le monde.
L’éco-développement est l’une des priorités du projet de territoire Luxembourg 2010. Il manque hélas encore singulièrement de vision et de perspectives. Les éléments esquissés ici seraient de nature à lui offrir un horizon nouveau.
Dans la presse:
– Tv Lux, Jt du 16 avril 2010
– L’avenir, 17 avril 2010: Ecolo:”l’éolien doit servir au développement local”
– La Libre, 19 avril 2010: “Vent sonnant et redistributif“