Refus d’un patient aux urgences. Comment éviter de tels incidents ?

Publié le 14 mars 2013
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La sénatrice Cécile Thibaut interroge la ministre de la Santé publique sur les obligations des hôpitaux et les moyens d’action afin éviter de telles pratiques.

La presse luxembourgeoise a révèle que, dans la nuit du 21 au 22 février, le service d’urgence de l’hôpital de Bastogne a refusé de prendre en charge un blessé de la route.

Question orale de Mme Cécile Thibaut à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique sur « le refus d’accueillir un traumatisé de la route par trois services des urgences des hôpitaux de Vivalia »

Mme Cécile Thibaut (Ecolo). – Dans la nuit du 21 au 22 février, une collision frontale entre deux voitures a eu lieu dans la région de Bastogne. Cet accident de la route a fait un tué et deux blessés, dont l’un était dans un état très grave. Le premier blessé, le moins atteint, a été pris en charge par le service d’urgence spécialisé de Bastogne.

La presse luxembourgeoise révèle que le service d’urgence de l’hôpital de Bastogne a par contre refusé de prendre en charge le deuxième blessé, non stabilisé, qui se trouvait entre la vie et la mort. Dans la foulée, les services d’urgence spécialisés de Marche et de Libramont ont également refusé de prendre en charge ce même polytraumatisé malgré son état critique. Celui-ci a finalement été transféré à Arlon, hôpital nettement plus éloigné de l’accident, avec tous les risques que cela comportait.

Le principe général qui consiste à accepter le patient et à le transférer après qu’il ait été stabilisé semble avoir été bafoué à plusieurs reprises.

Trois semaines après ce refus d’un polytraumatisé par trois services d’urgence de Vivalia – l’intercommunale qui gère les hôpitaux luxembourgeois –, il semble que le directeur adjoint des affaires médico-hospitalières de cette intercommunale et le responsable médical des urgences de Marche et de Bastogne n’aient pu fournir aucune explication pour expliquer cette suite malheureuse de refus.

Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les principaux dysfonctionnements en cause dans ce fait divers tragique ?

Pouvez-vous nous confirmer le nombre de refus de ce type qui se sont déjà produits dans cette région ? Entendez-vous mettre en place des moyens d’action pour éviter de tels incidents ?

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. – Il s’agit d’une affaire importante, madame Thibaut. Je vais donc être aussi précise que possible.

L’article 6 de la loi du 8 juillet 1964 relative à l’aide médicale urgente prévoit que « Sur demande du préposé du service d’appel unifié qui répond le cas échéant à la demande du médecin de l’équipe SMUR qui se trouve auprès du patient et qui, conformément à l’article 4 bis lui désigne l’hôpital le plus adéquat, toute personne responsable des admissions dans un hôpital doit accueillir sans autre formalité préalable les personnes prises en charge par l’aide médicale urgente et prendre sur le champ toutes les mesures que requiert leur état ».

Deux grands principes découlent de cette réglementation.

L’hôpital, pour autant qu’il soit adéquat, se doit d’accepter tout patient qui lui serait adressé par le centre 100 compétent. En effet, la prise en charge et la stabilisation d’un blessé polytraumatisé sévère passe obligatoirement par le service d’urgence puis, le plus rapidement possible, par le quartier opératoire où une intervention chirurgicale urgente doit être pratiquée pour stopper l’hémorragie et réduire les fractures.

La plupart des hôpitaux ne pouvant mettre en œuvre en période de garde qu’une seule salle d’opération, la pratique des médecins SMUR veut que lorsque plusieurs patients polytraumatisés doivent être pris en charge, ils ne sont pas admis dans un seul hôpital, mais dispatchés vers plusieurs hôpitaux. Dans cette situation, l’hôpital adéquat n’est donc plus l’hôpital le plus proche, mais l’hôpital qui permet l’accès le plus rapide au quartier opératoire. Tout cela me semble logique.

Dans ce contexte, le refus de prise en charge du deuxième blessé par les urgences de Bastogne, puis par les urgences de Marche et de Libramont, suscite plusieurs questions.

Le bilan pratiqué sur la première personne polytraumatisée par le médecin du SMUR de Bastogne et ensuite par les urgences indiquait-il un accès immédiat au quartier opératoire et donc le refus d’admission de la deuxième personne polytraumatisée ?

Pour quelle raison les urgences de Marche et du Centre hospitalier des Ardennes à Libramont ont-elles refusé l’admission du deuxième polytraumatisé ?

À ma demande, ces questions ont été posées dans un courrier du 12 mars 2013 par l’inspecteur d’hygiène fédéral du Luxembourg au directeur des affaires médicales de Vivalia. L’analyse de la réponse à ce courrier, demandée pour le 18 mars et mise à l’ordre du jour de la réunion du bureau de la Commission d’aide médicale urgente du Luxembourg le 21 mars, me sera communiquée immédiatement.

Je ne dispose pas de statistiques permettant de répondre précisément à votre deuxième question. Cependant, la « mise au rouge » des services d’urgence – fermeture pendant une heure pour raison de surcharge ou pour raison technique – sont rarissimes en province de Luxembourg. Seul le Centre hospitalier de l’Ardenne y a eu recours ces dernières années, moins d’une fois par an.

Par ailleurs, s’il arrive que certains SMUR soient déviés vers d’autres hôpitaux, il me revient que c’est toujours dans l’intérêt du patient.

Enfin, je dois vous préciser qu’un groupe de travail a été mis en place le 20 février dernier par le Conseil national des secours médicaux d’urgence afin d’établir une norme fédérale relative à la fermeture temporaire des services d’urgence.

Je prends ce dossier très au sérieux car, comme vous, j’ai été choquée par ces événements.

Mme Cécile Thibaut (Ecolo). – Je vous remercie de cette analyse juridique des lois qui, en Belgique, permettent l’égalité des citoyens en matière d’accès aux soins de santé, notamment aux soins d’urgence. Malheureusement, vous ne disposez pas encore des réponses. Il convient d’accélérer le processus et d’inciter les personnes concernées à rendre des comptes. J’espère obtenir ces informations d’ici quelques semaines.