Discours du groupe Ecolo avant le vote du budget provincial
2013 devait être une année charnière pour la législature 2012-2018.
A l’image du micro du Président du Collège tout au long de cette session, eh bien elle grince cette année charnière ! Les comptes 2012 sont mauvais – ce n’est pas un jugement de valeur, c’est un fait quand on parle d’un déficit de 4 millions 500 mille €– et ils laissent présager un nouveau déficit en 2013. A l’instar de la minorité, la cour des comptes vous envoie chaque année un signal d’alarme. Chaque année, vous vous obstinez à l’ignorer.
Notre institution va devoir apprendre, comme c’est déjà le cas de nombreux citoyens, à se serrer la ceinture, à faire aussi bien avec moins.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à maintes reprises, Ecolo Luxembourg croit dans une action provinciale, à condition que celle-ci s’inscrive dans la perspective que vous dressiez vous-même en début de législature : « un instrument au service d’un véritable projet pour les années à venir ».
Ce recentrage de notre institution autour d’un projet ne transparaît nulle part dans l’inventaire que constitue votre note politique. Tout comme l’année passée, l’année d’avant et je pourrais remonter ainsi très loin…. Il n’y a toujours aucune priorité, aucun objectif chiffré qui dépasse le simple engagement de principe.
Oui, il y a des dossiers dont on peut être fiers comme les IMP, des projets intéressants, dans le sport, le secteur social, la culture, le développement durable ; ainsi cette cellule de développement durable a initié une série de bonnes choses. Le cadastre énergétique des bâtiments entraîne une amélioration certes très très très lente de l’efficacité énergétique de ceux-ci. Mais ca va dans le bons sens. Et la très mal nommée « Convention des Maires » élargit les contours de cette action aux communes. Très bien. Il vous reste à chiffrer vos objectifs et à phaser ceux-ci dans le temps. Quelles consommations et quelles émissions d’ici 5 ans, 10 ans, 20 ans ? Quand la Province sera-t-elle Province zéro carbone ? Ce n’est pas un rêve, une Province belge s’y est engagée.
Il y aussi des efforts entrepris en matière d’achats et d’alimentation durables (notamment à partir des expériences des cuisines provinciales), de gestion « propre » des espaces verts, le FRCE… Faire de la Province de Luxembourg la première province équitable est également un projet intéressant qui englobe des aspects sociaux, économiques et de développement durable. Nous y sommes sensibles. Comme à la suppression des primes, purement et simplement, sans chercher à les adapter à un public cible. C’est une erreur que nous déplorons. Mais le collège ne s’engage pas suffisament dans cette cellule et dans la voie du développement durable. Vous pouvez me rétorquez que vous avez considérablement augmenté ses moyens, oui, mais c’est tellement ils étaient déjà dérisoires les années précédentes.
L’impulsion globalement positive mais à avancée très lente et trop peu ambitieuse de la cellule développement durable ne doit pas occulter un bilan décevant sur d’autres volets de l’action politique de la majorité. Et s’il en est un où le Collège provincial devait prouver, au-delà des discours et des incantations, sa capacité à construire la confiance, à faire vivre ce fameux consensus luxembourgeois, qui n’est pas loin d’être le concensus du Loch Ness, c’est Vivalia.
Comment avez-vous pu, sur ce dossier essentiel pour la santé des Luxembourgeois, vous contenter d’une approche politicienne, en favorisant les petits arrangements entre amis et en espérant “faire passer” la pilule en vous cachant derrière une agence de consultance ? Aujourd’hui, la confiance est rompue.
D’autres enjeux aussi importants réclament une attention accrue de notre institution provinciale et je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée pour les inscrire à l’agenda.
*L’accroissement des inégalités n’est pas l’apanage du Luxembourg, certainement pas, il n’est reste pas moins un problème pernicieux et insuffisamment pris en considération. Les chiffres exposés par le Gouverneur dans sa récente mercuriale doivent nous préoccuper. De 2004 à 2012, la province a connu une progression de plus de 30 % du Revenu d’Intégration Sociale. La tendance n’est pas prêt de s’inverse… Les exclusions du chômage alourdiront encore les chiffres avec, on le sait, au bout du compte, une charge budgétaire significative pour les communes…Le manque de logement pour les petits revenus est criant dans une bonne partie de la Province de Luxembourg ! Ce tableau social est inquiétant n’est-ce-pas ? On a vu hier en en débat que cela vous laisse… passif.
*Notre grande dépendance économique vis-à-vis du Grand-Duché du Luxembourg doit aussi être un sujet de préoccupation. Personne ici ne déplorera le fait que notre voisin constitue un pourvoyeur d’emploi pour près de 50% de notre population active ; mais personne non plus ne pourrait prédire l’évolution sur le moyen et long terme de cette singulière opportunité. Nous devons consolider notre tissu économique de PME et TPE dans des secteurs d’avenir, ici et maintenant. Pas une ligne de votre note de politique générale ne s’y attèle.
*Votre attentisme par rapport à la Région est également patent dans de nombreux domaines. Or, l’année 2013 a montré à satiété que notre province est, le plus souvent, éloignée des préoccupations namuroises et bruxelloises. Le dernier exemple en date, que nous rappelions lundi, est celui des packages touristiques de la Région qui a superbement ignoré la province ayant le plus grand nombre de nuitées et de structures HORECA. La région wallone semble préférer des cieux plus alpestres que ceux de la Province. Vous semblez vous être habitués à cette situation. Ainsi, lorsque l’offre de train en Province de Luxembourg n’est pas améliorée mais simplement en statut quo provisoire, vous vous réjouissez. Il est temps de réagir et de prendre le sort de cette province en main.
Quelle est votre vision sur les grands enjeux et quelles réponses y apporter ? Comment développer un tissu économique solide et moins dépendant du Grand-Duché ? Comment construire la transition énergétique au niveau local ? Comment combattre les disparités entre sous-régions, les inégalités sociales, la pauvreté… ? Rien…. Ni ambition, ni créativité.
Or la province a un rôle à tenir entre nos 44 communes et les autres niveaux de pouvoir. Ce rôle nous semble essentiel.
La Province est suffisamment proche du territoire pour mener des actions correctrices, ciblées, face aux problèmes particuliers vécus par les citoyens tout en permettant de jouer pleinement de la solidarité, de la rencontre des bonnes idées, de la coalition des forces et des économies d’échelle…
La Province doit être l’interface où nos communes peuvent trouver un soutien, un lieu de dialogue et de concertation, un niveau de solidarité pour mener une action conjointe au service du citoyen.
Le bien-fondé de l’action provinciale ne s’impose pas par l’évidence. La question qui doit mener notre action est celle de la plus-value. Et la plus-value provinciale ne se résume pas à des montants inscrits dans un budget. Ou par le spectre que vous brandissez volontiers du « ce sera pire sans nous. »
Tout cela, je le disais déjà l’an dernier.
Or pas une ligne sur la supra-communalité cette année…
Vous attendez de voir ce qu’il en sera pour la zone d’urgence, vous attendez de voir ce qu’il en sera du déficit qui se creuse au service technique.
L’an dernier, Thérèse Mahy parlait de l’inaccessible étoile en évoquant le souhait d’atteindre les recettes espérées par le Service technique. Effectivement, elles n’ont pas été atteintes. Ce qui m’était venu à l’esprit après lecture de votre note de politique générale c’était un autre extrait de Jacques Brel, celui qui promettait « infiniment de brumes à venir.”
Il est malheureusement toujours d’actualité.
Dans la presse:
– Tv Lux, JT du 23 octobre 2013