Budget 2015 - discours du groupe ECOLO avant le vote du budget provincial
Notre groupe ECOLO a prononcé ce matin le discours précédent le vote du budget de la note de politique générale pour l’année 2015. ECOLO Luxembourg déplore la ligne politique floue, peu lisible de la majorité cdH-PS, et surtout son manque de vision pour notre territoire provincial.
Brigitte Pétré, cheffe de groupe ECOLO a détaillé dans son discours les raisons du vote négatif du budget 2015 par le groupe ECOLO
C’est donc dans la continuité, que le budget 2015 et la note de politique générale nous ont été présentés.
Comme chaque année, le Collège veille à respecter formellement les prescriptions légales lui imposant l’équilibre budgétaire.
Comme chaque année, le Collège surestime sciemment un certain nombre de recettes, s’exposant à déplorer des déficits à l’heure de clôturer les comptes.
Comme chaque année, le Collège peine à définir la ligne directrice de son action.
Et, comme chaque année, nous peinons à distinguer la note de politique générale d’un ennuyeux catalogue d’activités, petites et moyennes, dont la somme ne parvient pas à générer une grande action.
Continuité je vous le disais.
Nous aurions aimé entendre combien le budget 2015 va dynamiser notre institution provinciale, lui donner – enfin – une ligne enthousiasmante et éclairée.
Nous aurions souhaité que ce budget et cette note reflètent davantage nos préoccupations pour la Province de Luxembourg:
faire de la province un outil de supra-communalité, un levier pour l’action communale;
défendre les intérêts majeurs de notre territoire: en termes de mobilité, de développement économique, de tourisme;
s’engager vers la transition énergétique;
Nous aurions rêvé entendre l’engagement ferme, décidé et sincère du Collège et plus particulièrement de sa Député Provinciale en charge des affaires sociales, des hôpitaux et de la santé, à faire aboutir Vivalia 2025. Et si possible, une version améliorée de celle-ci.
Au lieu de cela, l’introduction de la note de politique générale nous apprend (ouvrez les guillemets) que “le budget 2015 est la somme des résultats de l’exercice 2013, de l’exercice en cours 2014 tel que modifié et des prévisions de l’exercice 2015”.
Quel enthousiasme mes amis. Quelle envie!
Cette routine ronronnante de la province est-elle acceptable dans le contexte de crise que nous connaissons? Une crise sociale, une crise politique, une crise des valeurs secoue le pays. Notre Collège en est-il seulement conscient?
Social
La mesure d’exclusion des chômeurs décidée par le gouvernement fédéral Di Rupo, aussi injuste qu’inefficace, prendra ses effets dès le 1er janvier 2015. En plus de frapper les personnes déjà fragilisées, elle affectera les CPAS de nos communes. Le gouvernement Michel n’est pas en reste, puisqu’il va durcir les conditions d’octroi de l’allocation d’insertion pour les jeunes. Ces mesures s’attaquent directement et frontalement aux moins qualifiés, aux plus fragilisés.
La crise n’a pas épargné notre province. Les inégalités s’accentuent. Après le bassin du Brabant wallon, le bassin du Luxembourg est celui où le nombre de demandeurs d’emploi inoccupés a le plus augmenté par rapport à 2008, avant la crise.
Au Grand-Duché, important pourvoyeur d’emplois, le nombre de frontaliers belges stagne alors que les travailleurs français et allemands continuent d’augmenter.
Dois-je vous rappeler que de 2004 à 2012, la province a connu une progression de plus de 30 % du Revenu d’Intégration Sociale. La tendance n’est pas prête de s’inverser…
Le monde culturel, présent et actif dans notre province, espérait ce qu’à peu prêt tous les partis francophones s’étaient engagés à réaliser pendant la campagne: exiger un moratoire des contrôles tatillons de l’ONEM et assouplir les conditions d’accès au statut d’artiste pour un bon nombre de travailleurs du secteur. La promesse a fait long feu. Au lieu de cela, le monde culturel devient la cible de mesures d’austérité du nouveau gouvernement fédéral.
Vivalia – AMU
Désormais, il semble des plus normal de promettre des choses que l’on sait impossibles et de renoncer à ces belles promesses, une fois les élections passées. Une fois terminée cette période grisante de campagne, cette période de tous les possibles, où seule compte l’image, seul compte le “retour presse”, seul compte l’impact.
En campagne électorale, tout est possible. The sky is the limit. Et encore…
Ainsi, à l’occasion d’une belle image de campagne, affirmer sans ciller, qu’un second hélico sera La solution pour l’aide médicale urgente, ne pose apparemment aucun problème de conscience. Il est vrai que la promesse n’étant pas destinée à être défendue au-delà de l’échéance électorale, elle n’engage au fond que ceux qui y croient. On n’en entendra plus parler ensuite. Elle sera oubliée. Pas un mot, pas une ligne!
De la même manière, promettre le sauvetage de l’hôpital de Bastogne et accepter de mettre en péril l’ensemble du paysage hospitalier en province de Luxembourg dans la seule perspective de tenir cette promesse ne pose aucun souci de conscience. Et ceux qui ne suivront pas benoîtement le diktat seront remerciés, évincés de leur parti.
Mais voilà, nous ne sommes plus en campagne. C’est le dur retour à la réalité. Le dur atterrissage. Il faut avancer avec les réalités, cruelles, implacables. Le plan Vivalia 2025 pourra-t-il être amélioré?
– pourra-t-on y intégrer une analyse sur l’aménagement du territoire?
-pourra-t-on l’enrichir d’une analyse épidémiologique qui recense les besoins de la patientèle?
– l’ouvrira-t-on au paysage hospitalier des régions et pays voisins?
– ouvrira-t-on véritablement le débat aux partis de la minorité?
Nous ne disons plus qu’il est temps d’avancer. Nous nous demandons s’il n’est pas déjà trop tard.
Le malaise au sein de la maison Vivalia est palpable! La gestion calamiteuse de la Province, l’actionnaire majoritaire, aggrave la maladie. Le diagnostic a été tardif, le remède inopérant, le suivi inexistant. Le patient va mal!
Mobilité
Dur retour à la réalité aussi en ce qui concerne la mobilité!
Alors que le plan de transport de la SNCB n’a été amélioré qu’à la marge, suite aux retours du terrain, et que les navetteurs s’adaptent tant bien que mal à ce qu’il leur est imposé: en allongeant leur journée ou en laissant purement et simplement tomber les transports en commun au profit de la voiture, de nouveaux nuages s’amoncellent au-dessus du rail. Et ce n’est plus un orage, c’est un ouragan! 2.1 Milliards d’économies annoncées, 14% du budget! Que celles et ceux dans cette assemblée qui pensent naïvement que la province de Luxembourg sera épargnée lèvent le doigt!
A ce contexte belge extrêmement difficile sur le rail, il faut ajouter des travaux d’électrification sur la ligne luxembourgeoise qui sera fermée pendant plusieurs semaines entre Arlon et Luxembourg. Les navetteurs frontaliers prendront la voiture. Personne ne sait combien ils seront à reprendre des transports en commun détériorés que le gouvernement kamikaze leur confectionne dans un amateurisme affligeant.
Que les choses soient claires: nous sommes tout autant scandalisés par les mesures d’économie que le nouveau gouvernement fédéral vient d’imposer à la SNCB que nous sommes désespérés de voir comment certains ont utilisé par le passé la dotation de la SNCB pour alimenter un développement sous-localiste dans des gares pharaoniques et des investissements non prioritaires.
Ces deux versions de la mauvaise gestion publique se rejoignent dans leur dédain des navetteurs et de la lutte indispensable du réchauffement climatique. Aujourd’hui citoyens et usagers passent à la caisse. Le chemin de fer en Belgique est haché menu, sans doute en vue de sa régionalisation ultérieure, qui sera présentée alors comme une fatalité, tant le service se sera détérioré. La bêtise des responsables francophones aura été le zélé complice des séparatistes flamands.
Energie – développement durable
En 2015, le monde se réunira à Paris pour discuter de l’avenir de la planète et définir de nouveaux engagements pour diminuer les gaz à effet de serre. L’Union européenne vient de choisir un cap:
Diminution de 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ;
la part des énergies renouvelables portée à 27 % du mix énergétique ;
et 27 % d’économies d’énergie.
La Belgique ayant la cinquième empreinte écologique mondiale (calculée par habitant), il serait irresponsable de ne pas contribuer à cet effort.
Malheureusement, les premiers signaux envoyés par le gouvernement régional sont désastreux: à la suppression, l’année dernière, des primes énergétiques provinciales, succède la suppression des primes régionales. Serait-ce l’effet Collin, qui apporte à Namur les mauvaises recettes que nous avons appliquées ici? Toujours est-il que la transition énergétique est dans ce contexte une chimère!
Le fruit de la rigueur wallonne est aussi amer pour le Luxembourg, son emploi et ses citoyens. De toute évidence, le Gouvernement fédéral n’a pas le monopole de l’austérité!
Alors bien sûr, nous nous réjouissons sincèrement des premiers résultats du cadastre énergétique provincial. La rénovation (très) progressive des bâtiments provinciaux et la dissémination de l’expertise provinciale vers d’autres pouvoirs publics sont une source d’espoir. Cette année, la Députée en charge des services techniques et du développement durable, nous informe d’une diminution des quantités de combustibles. C’est une bonne nouvelle, nous la saluons, nous réclamions cette diminution depuis de nombreuses années.
Quelles sont à présent les objectifs? La Province jouera-t-elle son rôle dans l’effort global nécessaire pour infléchir le réchauffement climatique? Pourra-t-elle réaliser 27 % d’économies d’énergie? S’engagera-t-elle sur des objectifs chiffrés?
Tourisme
Le tourisme en province de Luxembourg a besoin d’une sérieuse cure de rajeunissement. Les acteurs de terrain, les syndicats d’initiative, les maisons du tourisme, les opérateurs privés…. font très souvent un travail remarquable. Les initiatives et les actions ne manquent pas.
Pourtant, en dépit de leurs efforts, notre province perd du terrain face aux régions de l’Aisne, de la côte d’Opale, de l’Eifel. Nos sites touristiques peinent à attirer les visiteurs.
Pour inverser cette tendance, nous devons concentrer nos efforts sur de grands leviers, faire la promotion de nos étendards: le château de Bouillon, que l’on serait inspiré d’inscrire au patrimoine mondial de l’Unesco, la marque « Ardennes », la forêt et le terroir luxembourgeois.
Il nous faudra sans doute aussi rénover et améliorer nos capacités d’accueil. Nous demandons à la Province, dans cette problématique comme dans d’autres, de distinguer l’essentiel de l’accessoire.
Bernard Moinet nous a dit, durant cette session, que le budget “c’est juste un guide pour ne pas faire n’importe quoi; que ce qui compte in fine, ce sont les comptes”. C’est une vision pour le moins bureaucratique de la chose. Nous pensons légitimement que le budget et la note de politique devraient représenter le projet politique de la majorité. Alors que le gouvernement fédéral a un projet (de droite conservatrice et nationaliste), que le gouvernement wallon n’a pas de projet, ne serait-il pas utile de clarifier celui de la province?
Lorsque nous voyons avec quelle difficulté le Collège a répondu à nos questions sur Vivalia, sur la nécessaire réorientation du service technique, sur la politique culturelle ou touristique… on se rend compte du flou qui entoure le projet du Collège.
Il manque à la Province une vison sur l’avenir du territoire provincial, l’anticipation des changements et des enjeux régionaux, une ligne directrice sur l’action de la majorité, et l’enthousiasme élémentaire à mener à bien cette action politique.
Une multiplicité de projets sur un territoire ne constitue jamais un projet de territoire.
En outre, le rôle de la Province, c’est aussi de relayer la voix des Luxembourgeois dans un contexte fédéral et régional franchement morose.
Une crise sociale couve, nos concitoyens se serrent la ceinture, travailleront plus longtemps, feront face à de nombreuses incertitudes… Mais à l’instar de Soeur Anne dans le conte de Perrault, la Province ne voit rien venir. Elle ne voit rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie.
Brigitte Pétré,
ECOLO Luxembourg