La problématique de la culture intensive des sapins de Noël : stop ou encore ?
1. Contexte
C’est un dossier phare-emblématique porté par Ecolo Luxembourg depuis quelques années. Nos deux têtes de listes provinciales de l’arrondissement de Neufchâteau ont décidé d’en faire une priorité pour leur campagne.
Le sapin de noël produit industriellement couvre environ 5.000 hectares en Wallonie. La plupart des producteurs sont regroupée dans une association professionnelle, l’Union Ardennaise des Pépiniéristes (UAP). Les adhérents se situent dans les provinces de Luxembourg, Namur et Liège mais aussi en Brabant wallon.
La production des membres de l’UAP atteint 4 millions de sapins de Noël en moyenne annuelle, dont 80 % sont destinés à l’exportation (France, Pays-Bas, Royaume-Uni, etc.).
Les variétés sont pour 65 % des sapins « Nordmann », 20 % d’épicéa commun, 10 % de sapin de Fraser et pour 5 % d’autres.
La culture se pratique principalement en zone agricole. Elle est considérée comme une activité horticole.
La sociéte Greencap, implantée à Libin est l’un des leaders européens de la production de sapins de Noël. A elle seule, elle déclare 1.000 hectares (en Belgique, France et Ecosse) qui produisent chaque année un million de sapins.
L’une des caractéristiques de la culture industrielle est sa concentration dans certaines zones géographiques, en particulier l’Ardenne où ce sont quelques communes qui sont plus particulièrement touchées. Libin (Luxembourg) est la commune wallonne la plus colonisée.
En dehors de la culture industrielle, subsiste quantité de petites parcelles privées.
Le CoDT autorise désormais la culture du sapin de noël en zone forestière.
2. Nos objections à la culture massive de sapins de Noël
Elles sont nombreuses et se résument ainsi :
La santé
La culture du sapin de noël s’accompagne d’un recours important aux pesticides. Parmi ceux-ci, le glyphosate (cancérogène probable selon l’OMS). Le recours aux pesticides est quasi généralisé. Pourtant, il est parfaitement possible de produire des sapins sans pesticides.
Ces traitements dont ils ne connaissent pas la composition inquiètent les riverains. Ils font courir un danger réel aux utilisateurs, aux riverains et à l’environnement.
L’accès à la terre
Le sapin de noël est planté sur des terres agricoles. Le prix élevé payé par les producteurs a pour effet de faire monter le prix de la terre. L’extension de la culture du sapin, rend la terre plus rare. Les jeunes ont de plus en plus de difficultés à devenir agriculteur faute de trouver des terres et de pouvoir en financer l’achat.
La vocation de la terre
La terre doit nous permettre de nous nourrir. Devons-nous faire venir de loin les produits que nous mangeons alors que nos champs se sont transformés en pépinières ?
La qualité du paysage
Les cultures de sapins se développent autour des villages. Et modifient considérablement le paysage. C’est notre cadre de vie mais aussi l’un de nos atouts touristiques qui sont mis au service de la production de sapins.
La biodiversité
Des prairies de grande valeur biologique sont plantées de sapins. Les traitements importants et réguliers ne laissent aucune place à la biodiversité.
3. Cartographie des surfaces consacrées à la culture des sapins de Noël en Wallonie
Cette étude est toute neuve (Ulg-GxABT 2017) et a, jusqu’à présent, trouvé peu d’écho dans la presse. Elle se trouve en ligne sur le géoportail de la Wallonie : http://etat.environnement.wallonie.be/.
Il s’agit de la première phase d’un projet plus global visant à objectiver les impacts environnementaux de cette culture en Wallonie. Les résultats concernant les superficies sont les premiers résultats de cette étude.
C’est sur base d’une photo-interprétation de prise de vue d’images aériennes entre avril et juin 2015 que cette étude a été réalisée. Ce qui implique une certaine sous-estimation des surfaces.
Ventilation par province des surfaces de culture de sapins de Noël en fonction du type de parcelles
Province |
Surface (ha) |
Surface (%) |
Surface (%) hors pépinières de plants forestiers |
|||
Plantations |
Production de plants |
Pépinières |
Total |
|||
Luxembourg |
2052,03 |
30,62 |
95,89 |
2178,57 |
57,9 |
65,6 |
Namur |
963,04 |
23,81 |
38,83 |
1025,68 |
27,3 |
31,1 |
Liège |
91,20 |
0,81 |
186,30 |
278,31 |
7,4 |
2,9 |
Brabant wallon |
5,31 |
195,02 |
200,33 |
5,3 |
0,2 |
|
Hainaut |
8,85 |
70,51 |
79,36 |
2,1 |
0,3 |
|
Total |
3120,44 |
55,24 |
586,55 |
3762,23 |
100,0 |
100,0 |
Source : Production d’une cartographie des surfaces consacrées à la culture de sapins de noël en Wallonie, Rapport final, Gembloux Agro-Bio Tech (Université de Liège), janvier 2018.
La province de Luxembourg est sans surprise en tête du classement avec 65,6 % des surfaces consacrées à la culture de sapins de Noël (2052 ha). La majorité se trouve en Bassse et Moyenne Ardenne ainsi qu’en Ardenne centro-orientale.
Répartition des cultures de sapins de Noël par commune de la province de Luxembourg
(Ventilation pour les 15 premières communes luxembourgeoises en ha)
Source : Production d’une cartographie des surfaces consacrées à la culture de sapins de noël en Wallonie, Rapport final, Gembloux Agro-Bio Tech (Université de Liège), janvier 2018.
* : ordre dans le classement des communes wallonnes en superficie consacrée à la culture du sapin de noël.
SAU : surface agricole utile.
Répartition des cultures de sapins de Noël par commune de la province de Luxembourg
Libin, Neufchâteau, Léglise, Bouillon, Bertrix et Paliseul : les communes luxembourgeoises les plus « accueillantes ».
Trois communes totalisent à elles seules près de 1/4 des cultures : Libin 324,2 ha, Neufchâteau 317,9 ha et Bièvre 271,6 ha.
Répartition des cultures de sapins de Noël par taille de parcelle
Taille des parcelles (ha) |
Surface (ha) |
|||
Plantations |
Production de plants |
Pépinières |
Total |
|
0 – 0,5 |
176,26 |
6,38 |
37,13 |
219,77 |
0,5 – 1 |
327,10 |
16,62 |
48,59 |
392,32 |
1 – 2 |
609,29 |
15,91 |
73,07 |
698,27 |
2 – 5 |
932,23 |
11,03 |
145,27 |
1088,54 |
5 – 10 |
618,66 |
5,30 |
82,73 |
706,69 |
10 – 20 |
326,83 |
138,93 |
465,76 |
|
20 – 30 |
95,53 |
26,07 |
121,60 |
|
30 et + |
34,53 |
34,75 |
69,27 |
|
Total |
3120,44 |
55,24 |
586,55 |
3762,23 |
Source : Production d’une cartographie des surfaces consacrées à la culture de sapins de noël en Wallonie, Rapport final, Gembloux Agro-Bio Tech (Université de Liège), janvier 2018.
On constate que plus de 30 % des cultures sont installées dans des blocs de surface supérieure à 10 ha, près de la moitié d’entre elles (15%) étant situées dans des blocs de plus de 20 ha.
→ En termes d’affectation au plan de secteur, les cultures sont essentiellement localisées en zone agricole (92,3%) et dans une moindre mesure en zone forestière (4,5%) ou encore en zone d’habitat à caractère rural (1,7%).
4. Nos propositions
En 2016, alertés par de citoyens inquiets par rapport à l’extension des cultures de sapins de Noël surtout dans le centre-Ardennes, Ecolo Luxembourg a d’abord joué le jeu de la sensibilisation en organisant des ateliers DIY de sapins de Noël.
Nous avons aussi organisé en 2017 une visite « exemplaire » chez Michaël Rood à Jalhay qui produit des sapins de noël sans pesticides. Après quelques années en traditionnel, il a fait le choix de ne plus traiter et de travailler avec des moutons Shropshire et des vaches Highland. L’exemple est concluant grâce à une entreprise diversifiée (parcs et jardins et circuits courts pour la viande).
Aujourd’hui, nous voulons aller plus loin et formuler des propositions fortes pour juguler cette tendance dans nos territoires à l’extension des cultures de sapins de Noël pour protéger notre santé, la biodiversité, nos terres agricoles nourricières et nos paysages.
Nous proposons au niveau des attributions « développement durable et agriculture » de la province :
1. la mise en œuvre de l’étude d’impact des produits phytosanitaires sur notre santé et notre environnement (seconde phase du projet) et une actualisation de l’étude cartographique en 2020 ;
2. la mise en œuvre d’un cahier des charges strict pour la production d’un sapin de Noël « safe »:
– taille des parcelles ;
– haies vives : un cloisonnement par hectare ;
– zéro phyto ;
– protection des terres ;
– caractère réversible : que la terre puisse retourner à une agriculture nourricière.
3. prévoir une distance minimale entre les cultures et les habitations et réaliser des études complémentaires intégrant l’influence des vents dominants, des écrans superficiels et des distances de dispersion des produits phytopharmaceutiques, pour identifier les villages les plus impactés.
4. un moratoire communal sur la culture intensive des sapins de Noël à Neufchâteau et à Libin.