Question à Monsieur René Collin, Député en charge de l’Agriculture et des ressources naturelles

Bariques de lait
Publié le 28 avril 2013
Rédigé par 
luxembourg

Question relative à l’agriculture.

Monsieur le Député,

La semaine dernière, la presse s’est fait l’écho du contrat signé, en présence du Ministre wallon de l’Agriculture Monsieur Carlo Di Antonio, entre la coopérative Faircoop et la laiterie Luxlait, située au Grand-Duché du Luxembourg. A l’instar de certains acteurs du secteur, vous vous êtes émus de ce que la coopérative choisisse une laiterie “hors de nos frontières”, et cela avec l’assentiment du Ministre wallon. Et vous profitiez de l’occasion pour mettre en exergue les circuits courts, les nécessaires collaborations entre producteurs wallons et l’importance de développer les outils existants, à Libramont notamment.

Cette sortie dans la presse nous amène à nous questionner sur l’avenir de la filière en Wallonie et singulièrement en Province de Luxembourg. Lors de la précédente législature, dans un contexte de crise pour les producteurs de lait, notre groupe ECOLO par la voix de Christina Dewart, avait déposé une motion de soutien aux agriculteurs et producteurs laitiers, dans laquelle, nous vous invitions à rencontrer les représentants du monde agricole afin de développer des stratégies de long terme pour une agriculture locale et durable.

La collaboration décidée entre Faircoop et Luxlait, et les réactions qu’elle suscite, montrent à quel point les solutions de long terme, au-delà de l’amélioration toute provisoire de la conjoncture, restent à trouver. Elle met aussi en lumière les différences d’approche fondamentales dans cette problématique complexe.

Permettez-moi dès lors une remise en perspective dans ce dossier. Posons-nous la question : pourquoi ces agriculteurs laitiers, organisés en coopérative depuis la crise de 2008, qui ont remis en cause leurs habitudes de travail, se sont évertués à trouver des solutions structurelles à leurs problèmes et qui désirent mettre en place des filières locales, se sont-ils tournés vers Luxlait au Grand-Duché et non vers une laiterie de notre province ou même wallonne ? Tout simplement parce qu’aucune laiterie en Wallonie n’a suivi la coopérative dans sa stratégie de miser sur la valeur ajoutée du produit de base et de garantir une rémunération équitable pour les producteurs. Faircoop a consulté à plusieurs reprises toutes les laiteries de Wallonie et aucune n’a voulu signer avec eux.

De manière générale, les laiteries wallonnes se cantonnent à payer le litre de base à 31 cents. Or, via le label Fairebel les producteurs perçoivent 10 cents supplémentaires, se rapprochant ainsi du seuil préconisé pour notre région par le European Milk Board, qui est 46 cents le litre.

Si vous désirez développer une stratégie efficace, qui garantisse des perspectives d’avenir pour nos producteurs luxembourgeois, il faut remettre en question certains paradigmes de notre modèle. Deux éléments essentiels seront à la base d’une solution pérenne et soutenable dans la problématique du lait : un prix stable et décent garanti au producteur laitier et le développement d’une filière durable qui trouve un équilibre entre le circuit court et l’exportation.

Aujourd’hui, ces deux conditions ne sont pas rencontrées sur le marché wallon.

Il est illusoire de se lancer à l’assaut de marchés mondiaux (la Chine en tête) avec nos produits laitiers et misant à tout prix sur la diversification des produits transformés. D’une part, cela n’aide que marginalement le producteur qui ne bénéficie pas de la plus-value. D’autre part, vous ne concurrencerez pas d’autres pays producteurs, tels que la Nouvelle-Zélande qui possède déjà la majorité des entreprises de transformation sur place. La solution se trouve en grande partie chez nous si nous voulons bien y mettre les moyens.

Dès lors Monsieur Collin, plutôt que de maugréer sur votre ministre, je vous invite à relire la motion déposée par notre groupe en octobre 2009 et à réaliser les actions que nous vous proposions :

- Développer en concertation avec les agriculteurs des outils de sensibilisation et de promotion à destination de nos concitoyens, à l’achat direct de lait et de ses produits dérivés dans les fermes ;

- Pour les différentes institutions provinciales qui en consomment, acheter du lait et ses produits dérivés exclusivement dans une filière courte et qui garantit une juste rémunération des agriculteurs. Cela s’intègre d’ailleurs à l’initiative de « Province équitable », soutenue par Madame Mahy ;

- Développer en concertation avec les communes et les agriculteurs de nouveaux marchés fermiers sur le territoire luxembourgeois.

J’ajouterai aussi ceci dans le dossier particulier qui nous occupe :

- Rencontrer les acteurs concernés dans la province : producteurs laitiers, laiteries, transformateurs, pour mettre en place le même type de partenariats qui lie Faircoop à Luxlait et qui rémunère équitablement les producteurs laitiers.

Merci pour votre réponse.

Pour le groupe Ecolo, Jean-Philippe Florent

Dans la presse:

Article Vers l’Avenir du 27 avril 2013 : Le lait toujours sur le coin du feu