Lettre ouverte : Discriminations envers les frontaliers par le gouvernement luxembourgeois
Discriminations envers les frontaliers par le gouvernement luxembourgeois.
Commission européenne Commissaire Viviane Reding
Claude Turmes Député européen
Bruxelles, le 14 Septembre 2010
Concerne : Discriminations envers les frontaliers par le gouvernement luxembourgeois
Chère Madame la Commissaire, Au début de votre mandat, vous avez esquissé devant le Parlement européen les priorités de votre département. En tant que première commissaire européenne en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, vous avez annoncé l’intention de mettre sur pied un espace réellement européen de la justice, basé sur la reconnaissance et la confiance mutuelles. Dans vos discours officiels, vous avez souligné avec insistance que “les citoyens qui exercent leurs droits à la libre circulation doivent pouvoir compter sur ces droits et les revendiquer, aussi bien au sein des frontières nationales qu’en dehors.” Vous vous êtes engagée à instaurer “des mesures visant à résoudre les problématiques transfrontalières” et vous avez lancé un fervent appel en faveur d’une Europe non discriminatoire envers les personnes qui voudraient profiter du principe de la libre circulation. Je vous félicite pour cet engagement et je suis convaincu que le Parlement européen sera un allié de premier ordre dans ce combat pour une Union européenne des citoyens.
Dès lors j’attire votre attention sur le fait que la Grande Région Sarre-Lor-Lux peut servir d’exemple en matière de discriminations flagrantes subies au quotidien par les citoyens alors qu’ils devraient profiter d’un principe fondateur de l’Union européenne, la libre circulation des travailleurs.
Le syndicat OGB-L a dressé un bilan accablant énumérant de multiples discriminations auxquelles le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg expose les frontaliers. En réservant la continuation de prestations sociales à des étudiants luxembourgeois résidant sur le territoire luxembourgeois, le législateur viole le règlement no 883/2004 qui, dans une perspective d’égalité de traitement, lie le payement des prestations familiales à la législation du pays où s’effectue le travail. Dans un contexte ou 44% de la population active du Luxembourg est constitué de frontaliers et que ceux-ci on pu profiter jusqu’à présent du payement des allocations familiales pour leurs enfants inscrits aux études postsecondaires, ceci constitue une profonde entrave à la libre circulation des personnes.
La loi luxembourgeoise viole également, de façon plus générale, le règlement 1612/68 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la communauté qui accorde aux travailleurs, également frontaliers et à leurs enfants, les mêmes avantages sociaux et fiscaux qu’aux nationaux.
Le syndicat vient de déposer une plainte auprès de la Commission européenne basée sur ces constats.
De plus j’attire votre attention sur le fait que ces discriminations ne concernent pas seulement les citoyens non-luxembourgeois. En effet, bon nombre de citoyens de nationalité luxembourgeoise décident d’aller habiter dans la zone frontalière en Allemagne, en France ou en Belgique en sont victimes. Dans le cadre de mon mandat de député européen, je suis régulièrement contacté par des citoyens luxembourgeois qui n´étaient pas conscients que leur changement de domicile hors du territoire luxembourgeois leur fait perdre des droits sociaux, comme par exemple l’indemnité de chômage.
Il est donc absolument nécessaire que la Commission européenne se penche sur ces discriminations et œuvre pour une Europe qui ne sanctionne plus les citoyens qui profitent tout simplement d’un principe de base de l’Union européenne, à savoir le droit à la mobilité au sein de l’Union européenne.
Vous avez souligné qu’en tant que Commissaire européenne, vous avez le devoir d’œuvrer en toute indépendance et en faveur de l’intérêt général de l’Union. Je vous prie donc d’agir auprès du gouvernement luxembourgeois afin de mettre fin à ces discriminations envers les frontaliers. La politique actuelle du gouvernement luxembourgeois ne va pas seulement à l’encontre des intérêts de notre économie, largement dépendante de l’apport des frontaliers, elle fait aussi preuve d’un non-respect flagrant des principes directeurs de l’Union européenne. Quarante ans après le lancement du plan Werner, un projet résolument progressiste et volontairement européen et solidaire, le gouvernement verse dans un nouveau protectionnisme ignorant les fondements et notre dépendance de l’Union européenne. Cette politique est anti-européenne et donc totalement inacceptable.
Je vous prie d’agréer, Madame la Commissaire, l’expression de mes sentiments distingués.
Claude Turmes, Député européen Parlement européen Bureau ASP 08 G 116 B-1047 Bruxelles