Après deux journées de débats au conseil provincial, Guirec Halflants, chef de groupe ECOLO, a prononcé un discours dont vous retrouverez l’intégralité ci-dessous :

« Chères Conseillères et Conseillers provincial et chers membres de cette Assemblée,

Chers membres de l’Administration provinciale,

Cher·es Journalistes,

Mesdames, Messieurs,

Nous avons le plaisir d’inaugurer cette ronde de discours des Chefs de Groupes pour la session budgétaire de ce mois d’octobre 2022 après deux intenses journées de débats.

Vu la situation très préoccupante tant chez nous que partout ailleurs, nous ne pouvons pas vraiment conclure ici de façon agréable et légère et nous ne pensons pas que l’heure soit à l’auto-satisfaction.

Année 2022

Je voudrais donc commencer par un bref rappel de l’histoire de l’année vue depuis la perspective de multiples catastrophes et luttes, une façon réaliste à mon avis de lire ce qui se passe dans le monde.

En 2021 (et on peut remonter plusieurs de plusieurs années en arrière) : inondations chez nous à la mi-juillet et, pratiquement au même moment, le chiffre interpellant de 180 000 incendies de forêt dans le monde1. L’été suivant, sécheresse record chez nous, incendies de forêts, et inondations catastrophiques au Pakistan notamment.

Plus personne ne semble nier le réchauffement climatique et cette fois-ci nous commençons à comprendre comment cela va nous toucher.

Début 2022, la pandémie qui nous occupe depuis deux longues années ne se termine toujours pas et les variants se succèdent mais on se réjouira très vite d’avoir repris l’activité et les vols presque comme avant. Cette leçon-là ne suffit pas.

Février, attaque de l’Ukraine par la Russie, élan de solidarité national qui surprend après tous les efforts déployés pour ne PAS recevoir et pour ignorer les autres personnes qui souffrent de la guerre et de la prédation en Afrique et au Moyen-Orient.

L’attaque provoque aussi une grave crise énergétique qui ne fait qu’empirer chez nous la situation des prix pour la population et pour les activités productives. N’oublions pas aussi que le Pic pétrolier passe et que la Guerre accélère en fait un processus inéluctable de diminution de la disponibilité de l’énergie.

Fin mars, comme en 2020 avec la ZAD, on s’empresse de détruire le petit bois du parc de l’ULg à Arlon pour encore une nouvelle construction. Les prix de la construction ont explosés pour des raisons évidentes mais le bulldozer passe et on fera le bilan financier et écologique à la fin 2023, comme pour le fameux Parc Léopold.

Mai, attaque cybernétique sur le système largement informatisé de Vivalia, ce qui paralyse complètement l’activité de soin (et complique encore la situation pour les infirmières) pendant plusieurs jours. Et on en paye encore les conséquences.

Mai de nouveau, on apprend que le système informatique dernier cri d’Idelux ne sera pas en mesure de produire les comptes dans les délais.

On ne peut s’empêcher de penser au parallèle entre les deux évènements et de se poser la question de notre dépendance à l’informatique dans un temps où notre société est tellement perturbée. Pas de lien entre les deux mais étonnante conjonction des évènements qui devraient nous interpeller.

Mai et Juin, temps froid, deux enquêtes publiques sont sur la table pour deux grands dossiers dont on peut se demander s’ils sont vraiment d’actualité encore : artificialiser des terres à Weyler pour un énième Parc d’activité, aux dépends de bonnes terres agricoles dont nous avons bien besoin pour nous nourrir (c’est l’Avenir qui l’a dit cette fois), et pour protéger les ressources d’eau et la biodiversité.

Heureusement, les Conseils des deux communes concernées se réveillent et s’opposent, non sans provoquer des cris d’étonnement dans l’ensemble des groupes politiques (à l’exception d’Ecolo).

Au même moment, enquête publique pour l’Hôpital d’Houdemont ; bétonisation de nouveau, bretelle d’autoroute, question de la fourniture de l’eau et de l’épuration. On s’inquiète aussi de l’accès pour tous et toutes et de la viabilité d’une telle infrastructure.

Dans le cadre de ces deux enquêtes publiques, très larges réactions de la population qui se “politise” en voyant l’état de notre environnement et l’inadéquation des réponses qui ressemblent bien au fameux “Business as usual” ou plutôt “On poursuit la folle course vers le mur”.

Juillet encore, Carte blanche d’Adélaïde Charlier dans le Soir2 : vu que les politiques n’écoutent pas, “La désobéissance civile comme dernier recours”. C’est à cela que nous arrivons et c’est notre faute.

En octobre et depuis l’été, multiplication des actions de désobéissance civile qui annoncent une radicalisation des luttes faute de réponse adéquate du politique, notamment avec le blocage des installations de Total en Belgique pendant le WE du 8 octobre.

Et ce dimanche, 30000 personnes défilent une nouvelle fois à Bruxelles pour réclamer une action du politique à la hauteur des enjeux.

Guerre, lutte pour les droits des femmes, cyber-instabilité, prix de l’énergie, difficultés et énormes incertitudes pour les citoyen·nes, canicules, sécheresses puis inondations, désobéissance civile, le tableau est noir.

Les deux derniers étés montrent qu’il faut accélérer la transition.

Que fer(i)ons-nous?

Je dirais heureusement après ces deux jours de débats que nous avons parlé de transition à plusieurs reprises. Cependant… Va-t-on assez vite dans la Province ? Répondons-nous aux questions et enjeux ? Pourrons-nous dire à nos enfants et petits-enfants que nous avons fait TOUT ce que nous pouvions ? Je vous le demande.

Personnellement je n’en suis pas convaincu et nous sommes déjà au deux tiers de la mandature. Il y a encore beaucoup de travail.

Transition énergétique

La Province travaille depuis un certain temps déjà à réduire sa propre consommation d’énergies et a obtenu des résultats significatifs. Son service d’appui à la mise en œuvre de la Convention des Maires doit être fortement soutenu pour aider les acteurs de l’ensemble du territoire dans leurs efforts de réduction des consommations d’énergies et des productions de GES.

Il est prévu maintenant de partager les analyses de consommations et réflexions avec les membres de notre assemblée et nous espérons contribuer ainsi à identifier des pistes d’amélioration. Comme cela arrive souvent, les actions à gain rapide ont été faites mais il en faudra encore beaucoup et des plus difficiles.

Nous avons déjà identifié les déplacements comme poste de consommation important qui serait hors du champ d’attention.

Développement du Territoire

Les thématiques de l’agriculture et de l’économie ont retenu notre attention aussi puisqu’il s’agit d’activités qui marquent notre territoire, touchent les questions de l’emploi et de la justice sociale, des aménagements et impacts, du maintien de la biodiversité et du bien-être de la population.

On parle là aussi d’abord de notre santé et notre nourriture, bien menacées par le changement climatique et la destruction de la biodiversité.

Nous nous réjouissons de voir que l’agriculture en circuit-court est solidement ancrée par les acteurs dans le territoire et reconnue comme telle dans notre Province ; c’est une agriculture qui répond directement à nos besoins vitaux et a toute sa place pour une transition écologique. Elle remet l’accent aussi sur le travail qui a du sens et les échanges de proximité.

La question du maintien de l’appui au CER Groupe a aussi été ouverte puisque visiblement le Groupe dispose maintenant de moyens et d’une dynamique solide.

Nous avons évoqué également la question de la cotisation annuelle pour Idelux ; un jour il faudra faire des choix entre le maintien d’un soutien « statutaire » important et la suppression de certains services provinciaux.

La question centrale est aussi encore de savoir pour quelle économie nous travaillons et si cette économie répond véritablement à nos besoins essentiels et aux enjeux et menaces qui se présentent et si les emplois que nous espérons créer sont de qualité et rémunérés à de justes conditions.

Je voudrais évoquer ici aussi la question de l’eau dans deux dimensions vitales: disponibilité de l’eau et menaces d’inondations.

Alors qu’il s’agit d’une question critique, nous sommes encore très étonnés de voir des Assises de l’Eau organisées finalement en juin dernier en se limitant à la question des inondations. Il était nécessaire de prendre des mesures après les inondations et nous saluons cet effort mais, malgré notre insistance, la question de la disponibilité pour la consommation humaine, des réserves et des sécheresses est encore esquivée alors que notre territoire n’est pas particulièrement bien doté.

Nous lisons aussi dans le rapport que la cause principale des inondations est « la pluie exceptionnelle »… Rien n’est dit sur le changement climatique qui a un effet sur le régime de ces pluies et rien non plus sur la progression des bétonisations en tous genres et les constructions en zones à risques ainsi que la rectification des cours d’eau qui a été pratiquée auparavant…

Pendant ces deux jours, nous avons encore abordé la question de l’avenir du Fourneau Saint Michel puisque l’approche adoptée depuis deux ans ne donne pas de résultats. Nous devrons revoir cela au sein de notre assemblée tout en écoutant les idées que nous soufflent de nombreuses citoyennes et citoyens qui veulent avoir leur mot à dire.

Nous avons demandé un appui et des perspectives urgentes pour que notre télévision régionale TV Lux puisse poursuivre plus sereinement son activité précieuse et nous avons débattu une fois encore de l’avenir de Vivalia 2025 – ou 2030 – qui se définit dans un brouillard étrange qui ne nous permet toujours pas de connaître l’estimation de budget de construction d’Houdemont, et les perspectives en ce qui concerne le personnel de soin.

Gouvernance

Je voudrais parler finalement de gouvernance en abordant encore la question de la Task Force et du Plan Stratégique transversal.

Le Task Force a été mise en place par la majorité pour partager ses réflexions sur la nécessaire restructuration de la Province et permettre l’identification des actions les plus faciles à mettre en œuvre, avec l’appui de l’opposition de préférence. Nous appelions à une telle rationalisation depuis longtemps.

Le plus facile a été fait et le dispositif ne semble plus bouillonner d’idées, ce que nous disions déjà en octobre 2021.

Le Plan Stratégique transversal pourrait être un très bon outil pour structurer la réflexion sur le sens du travail de la Province qui doit se transformer radicalement, sur les axes de travail et les ambitions que la majorité se donne avec éventuellement des apports de l’opposition. Un outil stratégique et de débat qui s’est malheureusement transformé en un tableau qui liste et distribue les multiples projets que vous aviez déjà l’intention de conduire sans parvenir à faire comprendre les véritables ambitions et la vision du futur de la Province.

Il y a là clairement une occasion manquée.

Conclusion

Nous avons encore deux ans pour travailler à répondre à ces urgences dans la mesure de nos nombreuses compétences provinciales et avec des moyens qui se font plus rares mais qui restent considérables, en particulier en ce qui concerne les femmes et hommes et les compétences, pour appuyer les communes et pour inspirer et mieux équiper la population de notre territoire face aux défis énormes qui se présentent.

Tel est pour nous l’intérêt de notre assemblée et le sens de notre travail provincial.

Bien que certaines propositions qui ont été débattues se présentent comme plus prometteuses nous croyons que le programme proposé est encore en-deça des moyens disponibles et des besoins et c’est pourquoi nous voterons contre le budget 2023.

Merci de votre attention. »