Conférence de presse : Epuration des eaux : un atout pour l’avenir énergétique de nos communes rurales ?

Publié le 11 décembre 2011
Rédigé par 
luxembourg

Le secteur de l’épuration des eaux est énergivore : à l’heure actuelle, la consommation électrique représente 16% du coût total de fonctionnement des stations d’épuration de la province du Luxembourg.

Par ailleurs, ce même secteur peut constituer un levier original de production d’énergies renouvelables, à condition d’être prêts à l’innovation, à l’expérimentation hors sentiers battus.

ECOLO Luxembourg veut proposer des pistes nouvelles tant en matière d’économies que de production d’énergie, grâce à de nouvelles synergies entre acteurs de l’eau.

1. Multiplier les stations d’épuration de type extensif

 A l’heure actuelle, l’AIVE gère 73 stations d’épuration dont la première de type extensif (hormis une petite station didactique) a été inaugurée tout récemment à Hollange (Fauvillers). Deux autres projets sont à l’étude à Martilly et Straimont (commune d’Herbeumont).

Les stations d’épuration de type conventionnel, dits à boues activées, consomment de l’énergie de façon continue par insufflation d’oxygène dans les digesteurs. De plus, dans la conception des réseaux d’égouttage, on observe de nombreux refoulements quand l’écoulement gravitaire vers la station est difficile.

- Les stations de type extensif (lagunage, filtres plantés de roseaux…) ne consomment pas d’énergie, sont très bien intégrés dans l’environnement et très efficaces d’un point de vue qualité épuratoire (elles épurent également les nitrates et les phosphates). Elles conviennent particulièrement bien pour les petites entités en milieu rural : toutes les stations qui restent à construire dans la province concernent des entités de moins de 2000 EH.

- Ces petites entités souffrent souvent d’un problème de dilution des eaux usées en raison de la faible qualité de leur réseau d’égout : l’extensif permet également de mieux faire face à ce problème.

- ECOLO Luxembourg plaide depuis de nombreuses années pour que ce type de station soit envisagé prioritairement dans tous les cas de nouveaux projets. Malheureusement, trop peu de stations extensives se concrétisent dans notre province. Les freins exprimés par l’AIVE mettent en cause entre autres l’administration de l’agriculture qui ne veut pas concéder de terres agricoles (l’extensif en exige plus que les stations classiques).

Nous plaidons pour une meilleure concertation en amont avec l’administration de l’agriculture mais aussi avec les communes dès le stade de la réflexion sur le choix du terrain. Il existe dans presque toutes les communes rurales des terrains de faible valeur agricole qui peuvent convenir pour ce type de stations. Choisir le terrain puis se poser la question du type de station, c’est faire les choses à l’envers. Le choix du terrain devrait résulter du type de station que l’on veut construire.

- L’AIVE pourrait par ailleurs développer une véritable expertise tant au niveau de la conception que de la réalisation de stations de type extensif (l’ex-FUL étudiait déjà ce secteur dans les années 80). Expertise éventuellement transposable dans d’autres provinces wallonnes. Province de Luxembourg, une ardeur d’avance ?

- Concernant les refoulements dans les réseaux d’égouts, il y a lieu de privilégier à priori toutes les solutions de type gravitaire.

2. Le taillis de saule à très courte rotation (TTCR)

– De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une plantation dense de saules qui seront retaillés tous les 3 ans pour fournir des plaquettes de bois utilisables dans une chaudière collective ou privée.

– Quel rapport avec l’épuration des eaux ?

Cette technique a été expérimentée par l’UCL à Sart-Bernard, sur les hauteurs de Namur, à la sortie de la station d’épuration. En effet, les saules aiment l’eau et se développent encore mieux amendé par des nitrates et phosphates. On peut donc réaliser assez facilement une opération à triple bénéfice.

1. Avantage épuratoire L’eau qui sort d’une station « classique » n’a en principe subi que les traitements primaires (dégrillage, élimination des graisses) et secondaires (abattement de la charge organique). Les nitrates et phosphates (traitement tertiaire) n’ont pas été éliminés, hormis normes particulières à respecter, comme c’est le cas pour les agglomérations de plus de 10.000 EH et les zones de baignage qui exigent même une désinfection (traitement quaternaire).

En infiltrant l’eau encore chargée de nitrates et phosphates dans un terrain agricole planté de saules, on réalise l’épuration tertiaire puisque les saules absorberont les matières nutritives présentes dans l’eau. Par ailleurs, l’infiltration dans le sol constitue déjà un procédé épuratoire en soi.

2. Avantage énergétique

Les saules, très gourmands en eau et matières nutritives (les mêmes nitrates et phosphates) poussent avec vigueur, fournissant ainsi rapidement du bois utilisable dans une chaudière à copeaux, qu’elle soit publique ou privée. Une simple machine agricole les retaille tous les 2 ou 3 ans.

3. Diversification agricole

Cette technique peut constituer une source de revenus intéressante pour l’agriculteur qui mettrait ses terrains à disposition.

Il faut toutefois éviter de prioriser la production énergétique par rapport à la production agricole. Tout est question d’équilibre.

Notre province ne compte aucune station complétée d’un TTCR. ECOLO plaide pour le lancement d’une expérience pilote, idéalement dans une commune qui dispose d’une chaudière collective à copeaux de bois ou qui en projette une.

A Nassogne par exemple, la station vieillissante n’a pas un rendement idéal et pourrait avantageusement s’adjoindre un taillis de saules à très courte rotation, d’autant plus qu’une partie du village sera prochainement équipée d’un réseau de chaleur alimenté par une chaudière à bois.

3. Coupler la réalisation des réseaux d’égouts à celle de réseaux de chaleur

- C’est le coût du réseau de chaleur qui handicape le plus souvent le montage financier d’un projet de cogénération à base de biomasse (chaudière bois, biométhanisation agricole).

Or, l’AIVE a repris dans ses compétences la gestion des réseaux d’égout (remise à niveau, réalisation de nouveaux égouts). Poser un tuyau d’égout ou un tuyau d’eau chaude demande exactement le même type de travail sur le terrain : réaliser une tranchée, poser le tuyau, assurer une connexion vers les habitations (eau usée sortante, eau chaude entrante), et refermer soigneusement la voirie.

- Réaliser conjointement réseaux d’égout et réseau de chaleur permettrait de faire des économies financières très intéressantes et pourrait rendre possible la réalisation d’un réseau de chaleur là où il pourrait à priori sembler trop cher.

Exemples

- Beckerich et Hotton ont profité de la réalisation des égouts pour installer leur réseau de chaleur.

- Le tout nouveau réseau de chaleur de Malempré (Manhay) saisit l’opportunité de travaux de voiries pour réduire son coût de 600.000 euros.

Qu’attendons-nous pour généraliser ce type de démarche ?

L’AIVE pourrait, à nos yeux, faire systématiquement la proposition de pose conjointe d’un réseau de chaleur à toutes les communes concernées par des travaux d’égouttage.

Ces travaux sont en effet très coûteux. D’importantes économies pourraient ainsi être réalisées et surtout, des opportunités saisies.

La solution aux enjeux énergétiques liés à la fin de l’ère du pétrole passera par la création de nombreux points de production d’énergie renouvelable décentralisés. Mis en réseau, ils nous aideront à sortir de notre dépendance énergétique.

Les communes rurales ont un rôle à jouer pour contribuer à relever ce défi.

Exemple

Le village de Lesterny, dans la commune de Nassogne, a vu récemment son réseau d’égout complètement remis à niveau. Des travaux très importants et fort coûteux. Dans une commune qui dispose d’importantes ressources forestières et agricoles, on peut regretter que l’opportunité n’ait pas été saisie pour poser un réseau de chaleur relié à une chaudière à bois ou une station de biométhanisation. Sa rentabilité aurait été assurée dans un délai assez court et les habitants auraient sans doute été heureux, comme à Malempré, de pouvoir se connecter à une source de chaleur d’origine renouvelable et moins coûteuse que le mazout. Sans doute personne n’y a-t-il pensé, tout simplement ! Il est temps de créer des synergies entre le secteur de l’épuration des eaux et celui de la recherche d’autonomie énergétique.

4. Récupération de la chaleur des égouts

La température de l’eau que nous rejetons dans les égouts se situe encore aux alentours de 15°. Par un système de pompe à chaleur, on peut concentrer les calories pour la porter à 60° et alimenter en chaleur des villes importantes.

Des exemples existent en France : Nanterre, Paris, Valencienne, Bordeaux. Pour que l’opération soit rentable, il faut une station d’épuration d’une certaine taille pour disposer en permanence d’eau à bonne température. Les villes qui pourraient envisager une démarche de ce type dans notre province sont Arlon, Marche et Bastogne.

Une étude de faisabilité et de rentabilité pourrait être confiée à l’intercommunale.

5. Méthanisation des boues d’épuration

Les boues d’épuration sont constituées de matières organiques méthanisables. En implantant des unités de biométhanisation à proximité des stations d’épuration, on pourrait produire d’une part de la chaleur pour les bâtiments d’exploitation et d’autre part de l’électricité pour les besoins spécifiques de la station (voir point 1).

En Belgique, la station de Wasmuel dans le Hainaut, gérée par l’intercommunale Idea, dispose d’une unité de biométhanisation des boues d’épuration.

Des exemples existent également en France et en Suisse, aussi bien pour des unités d’épuration importantes que pour des unités en milieu rural.

Encore une piste à creuser pour notre intercommunale ?